Acap – pôle régional image

RÊVER LES ÉCRANS, DEMAIN

rencontre régionale du pôle des 1er ET 2 DÉCEMBRE 2020

En tant que pôle régional d’éducation aux images, nous avons décidé en 2020 à travers une étude inédite de décrypter les pratiques de plus de 6 000 jeunes de 11 à 18 ans des Hauts-de-France. Nous observons ces évolutions de longue date et c’est tout naturellement que les résultats ont servi de fil conducteur pour la rencontre professionnelle que nous avons organisée les 1er et 2 décembre 2020. Le rapport des jeunes aux écrans, au cinéma et aux images a été scruté sous différentes facettes. Retour sur cette rencontre atypique à plus d’un titre…

Cette année, se réunir « in real life » pour notre rencontre régionale du pôle, n’était pas envisageable. Loin d’imaginer l’annulation, surtout quand il s’agit de parler d’écrans au vu du contexte, notre équipe s’est mobilisée pour proposer cette rencontre sous un format webinaire. Les participants ont répondu présents et en nombre, ils ont été plus de 500 à nous suivre. Les messages sur le tchat, les questions aux intervenants et les différentes attentions reçues après l’événement ont pallié, au moins en partie, à la déception de ne pas pouvoir se réunir. Alors certes, il manquait les échanges informels, les retrouvailles de réseaux, les rencontres de nouveaux partenaires potentiels et le petit café d’accueil, mais le contenu était bien là. Les échanges revisitant nos a priori sur le rapport des adolescents aux écrans, furent riches et denses.

Réalités, fantasmes et innovations dans les projets d’éducation aux images

Le phénomène d’omniprésence des écrans n’est pas nouveau, mais il a été particulièrement exacerbé par la crise sanitaire. Nous avons tous dû, adultes comme jeunes, nous adapter à d’autres formes de sociabilités et d’échanges de savoirs. Nous avons dû nous éloigner, au moins un temps, des salles de cinéma. Nous avons, pour beaucoup, expérimenté de nouvelles formes de pratiques en ligne, et fait l’expérience de la toile comme d’un vaste « lieu » de diffusion culturelle. Mais encore faut-il y être accompagné et guidé. Les confinements ont révélé sous une lumière crue les grandes inégalités existantes entre différentes sphères sociales de notre pays. C’est aussi ce que souligne notre étude, à l’échelle régionale, « Les jeunes, les images, les écrans » : face aux écrans, il n’y a pas une jeunesse, mais des jeunesses, avec des disparités signifiantes selon les origines sociales, l’âge ou le sexe.

En commençant par la présentation, dans le détail, de cette étude, il s’agissait d’y pointer quelques éléments déjouant les préjugés que nous pouvons porter sur la relation des jeunes à leurs écrans. La conférence d’un sociologue de l’imaginaire nous a permis de rebondir sur ces aspects chiffrés en nous offrant un regard plus large sur nos sociétés hyperconnectées. Nous sommes ensuite entrés au coeur de nos métiers de passeurs de cultures cinématographiques et audiovisuelles en invitant différents acteurs de l’éducation aux images à partager avec nous réflexions et récits d’expériences.

 

1ère journée : Mardi 1er décembre 2020
« LES JEUNES, LES IMAGES, LES ÉCRANS » : UNE ÉTUDE EN HAUTS-DE-FRANCE

Fruit d’une enquête sociologique menée dans les premiers mois de l’année 2020, grâce au concours de plus de 6 000 jeunes de 11 à 18 ans de la région Hauts-de-France, l’étude « Les jeunes, les images, les écrans » nous informe sur la relation qu’ils entretiennent aux écrans, sur leurs habitudes, leurs activités, les images regardées, les compétences développées, leur rapport à la responsabilité…

Claire Hannecart, sociologue à SoCo Etudes et Dorien Heyn Papousek, chargée de mission observatoire et émergence à l’Acap, ont décrypté les résultats qui déjouent quelques uns de nos a priori.

Après la présentation de la méthodologie employée pour mener cette étude, la sociologue détaille les éléments les plus signifiants sous quatre entrées : équipements, usages, images, interactions sociales. Pour chaque partie, des infographies sont présentées, permettant d’analyser les données brutes avec des éléments socio-démographiques ou d’opérer des recherches comportementales croisées.

Claire Hannecart et Dorien Heyn Papousek concluent sur ce qui les a le plus surprises dans les réponses récoltées : d’une part, les différences entre les filles et les garçons (les filles ont des usages plus diversifiées des écrans et des réseaux que les garçons) ; d’autre part, il apparaît que la majorité des jeunes sont beaucoup plus responsables face à leurs pratiques d’écrans que ce que l’on pouvait imaginer. Cela amène à se demander si les craintes que nous pouvons avoir en tant qu’adultes ne sont pas le résultat de projections de nos propres pratiques. Si ce constat est rassurant, l’étude fait néanmoins apparaître un autre aspect qui rappelle le rôle essentiel des adultes : ceux qui s’en sortent le mieux face aux excès potentiels des réseaux et des écrans sont ceux qui ont reçu des règles, et ceux qui regardent le plus de films et de séries, sont ceux qui y sont initiés.

Cette discussion a été animée par Thierry Cormier, conférencier et formateur en cinéma et audiovisuel.

De nombreuses références ont été partagées au sein du tchat, notamment :

  • Un article de Pascale Kremer pour Le Monde
  • Un article dans l’Obs décryptant les usages de TikTok
  • Un essai : La civilisation du poisson rouge, de Bruno Patino
  • Un roman : Elle a menti pour ses ailes, de Francesca Serra
  • Un podcast : carte blanche sur France Inter – Squeezie : « je suis fier de faire partie de cette génération ! »

Retrouvez également les documents de l’étude :

 
LE DEVENIR MONDE DE L’IMAGE

Le « devenir monde de l’image » cause et effet de la culture numérique. Les médias sont de plus en plus le monde que nous habitons, le paysage et le langage de l’être humain. Qu’en est-il de l’individu dans un scénario marqué par la puissance de la technique, des algorithmes et des réseaux ? Sommes-nous au crépuscule de l’humanisme ?

C’est la question que Vincenzo Susca, maître de conférence en sociologie à l’université Paul-Valéry de Montpellier et directeur éditorial des Cahiers européens de l’imaginaire, a décrypté pour nous. Il a scruté de près ce qui façonne les formes élémentaires de notre vie électronique

Repartant des origines des premières images photographiques, Vincenzo Susca propose de parcourir avec lui l’évolution du rapport de nos sociétés aux images. D’un monde qui était devenu image (avec la multiplication des photographies, des portraits, des cartes postales : une forme d’esthétisation de notre vie ordinaire), nous en sommes arrivés actuellement à un nouveau paradigme : celui de l’image devenue monde. Désormais, une grande partie de nos vies, notamment dans ce contexte de confinement, a lieu dans les médias. L’image précède et excède la matière : notre expérience a d’abord lieu via les écrans. L’individu rationnel et séparé tel que nous l’avions connu, est à présent dépassé : la vie électronique amène à un « nous » émotionnel qui prévaut sur l’individu. Vincenzo Susca nous invite à trouver dans « l’être ensemble » une manière de dépasser le contexte actuel et de résister, en creusant un interstice de liberté là où il semble ne plus y en avoir.

Cette conférence, animée par Thierry Cormier, nous donne à voir notre monde en miroir et interroge sur ses évolutions les plus récentes.

Pour aller plus loin

Retrouvez des ouvrages de Vincenzo Susca ici.


2ème journée : Mercredi 2 décembre 2020
LES SALLES DE CINÉMA ET LES ADOS : UN BESOIN DE MÉDIATION

Alors que les professionnels du cinéma s’inquiètent de la baisse de fréquentation des 12-25 ans dans les salles et que le confinement n’a pas permis aux séances scolaires de se déployer, comment faire pour que le 7ème art et les adolescents se rencontrent davantage ?

Que l’on soit médiateurs, enseignants, animateurs, médiathécaires, associations ou institutions, cette table ronde foisonne de réflexions et d’idées pour œuvrer tous ensemble à la sensibilisation au cinéma de nos adolescents.

Le modérateur Thierry Cormier est reparti des constats tirés de l’étude : 86% des jeunes des Hauts-de-France regardent au moins un film par mois, 2 jeunes sur 3 pensent qu’il y a un intérêt à voir un film au cinéma alors qu’ils peuvent le voir à la maison, et 68 % aimeraient aller plus souvent au cinéma.

Partant de là, il a proposé aux intervenants de présenter leurs points de vue et leurs analyses à travers 3 parties :

  1. la question de la fréquentation des salles par les jeunes et du rôle des prescripteurs,
  2. la présentation d’expériences concrètes de médiation et leurs analyses ,
  3. l’interrogation sur des formes de médiation s’appuyant sur les pratiques de loisirs des adolescents.

William Benedetto, directeur du cinéma l’Alhambra à Marseille (pôle d’éducation aux images), Dimitri Euchin, médiateur culturel au Studio 43 à Dunkerque, et Claudine Le Pallec Marand, enseignante en cinéma, se sont prêtés au jeu et donnent matière à réfléchir sur le rôle primordial de la médiation cinéma. Pour eux, il ne suffit plus de s’appuyer uniquement sur la programmation, il s’agit également de proposer de la vie au sein des salles de cinéma et de penser une réelle politique de développement et d’accompagnement des publics ados. Pour cela, il est nécessaire d’inventer des actions à mener en partenariat, impliquant salles de cinéma et les autres structures en lien avec les adolescents (médiathèques, établissements scolaires, centres de jeunesse, etc.). De nombreux sujets sont abordés ici, tels que le rôle des dispositifs scolaires, la relation de pair à pair, les liens à tisser sur le hors temps scolaire, le rôle des médiateurs au sein des salles de cinéma, la formation pour la médiation cinéma, les différences milieu rural / milieu urbain, salles de proximité / grands groupes, etc.

Quelques liens suggérés par les internautes et l’équipe de l’Acap sur le tchat :

PROFUSION ET HYBRIDATION DES IMAGES : DES JEUNES SPECTATEURS CRÉATIFS

Intégrés depuis plusieurs années dans les actions d’éducation aux images, les téléphones portables sont sans cesse pourvus de nouvelles applications, de nouvelles fonctions et de nouvelles possibilités de diffusion. Quels impacts ont ces objets connectés dans les relations sociales des adolescents ? Quelles compétences créatives permettent-ils de développer ? Les acteurs éducatifs doivent-ils s’emparer de ces pratiques numériques et comment ?

Pierre Larose, réalisateur, photographe et intervenant sur des actions d’éducation aux images, a proposé de commencer par scruter quelles étaient les pratiques des jeunes, en revenant d’une part sur quelques chiffres tirés de l’étude (86 % ont un Smartphone dès 12 ans,  86 % ont un compte sur un réseau social, l’un des usages les plus pratiqués des écrans est celui des discussions en ligne, 83 % jouent aux jeux vidéo, etc.), et d’autre part en regardant ensemble une sélection de vidéos TikTok et Instagram.

Tout au long de la table ronde, les différentes manières de s’emparer de cette nouvelle matière numérique, que l’on soit enseignant, éducateur, médiateur ou professionnel du cinéma, sont interrogées en s’appuyant sur deux récits d’expérience :

  • « Quand le numérique s’en mêle » : atelier mené au sein des Maisons des adolescents à Amiens et à Abbeville, au cours duquel les adolescents se sont interrogés sur leurs propres pratiques numériques. Expérience rapportée par Sylvie Coren, réalisatrice intervenante, et Sabine Dauchet, responsable de la Maison des adolescents d’Amiens.
  • « Classes culturelles numériques cinéma » : ateliers menés en partie à distance via une plateforme en ligne, racontés par Karim Bensalah, réalisateur intervenant, et Hélène Loret, enseignante.
Notre équipe pendant la rencontre