Acap – pôle régional image

Filles en feu

Engagées, féministes, militantes, 6 filles embrasent Lille et le cinéma émergent avec leur nouvelle association « Filles en feu » créée en février 2022. Elles ont pour ambition d’aider les jeunes autrices ou queer à passer le cap de la réalisation de leur premier film. Entretien avec Hélèna Serra, présidente de l’association et Cloé Coutel, vice-présidente.

Qui sont les Filles en feu ? 

Les Filles en feu ce sont 6 fondatrices : Hélène Serra, Cloé Coutel, Louise Labrousse, Chloé Arroyo, Ilaeira Misirliadi et Alice Rogeaux. Nous sommes toutes issues de dispositifs d’accompagnement aux jeunes auteurs dans les Hauts-de-France comme La première des marches et par ailleurs, nous avions toutes vécu une expérience associative soit inachevée ou malheureuse. De manière assez naturelle et aussi pour les besoins du projet de film Garçonne de Cloé Coutel qui venait d’avoir le fonds émergence de Pictanovo, nous avons créé « Filles en feu » en février 2022 en référence au film de Céline Sciamma. Quelques mois plus tard, nous comptons une quinzaine d’adhérents et une cinquante de sympathisants et de nombreux partenaires comme le CAP, l’Acap, radio boomerang…

Pourquoi cette association ?

Nous sommes parties de nos expériences personnelles et avons constaté que dans les milieux militants, il y a beaucoup de jeunes femmes qui ont des projets mais qui ne trouvent pas d’interlocuteur ou qui éprouvent le syndrome de l’imposteur. 

Il manquait pour nous un « maillon » sur lequel les jeunes auteurs femmes et queer pourraient s’appuyer pour se renseigner, se sentir légitime, écrire, produire et diffuser leur premier court métrage. Il y avait derrière tout ça aussi certainement la volonté de nous aider nous-mêmes et une grande sororité. Nous voulions nous professionnaliser tout en gardant notre militantisme.

PHOTO 2 copie
Diversité, inclusivité, sororité, me too… les valeurs des Filles en feu 

On s’insère dans toutes ces questions « me too » et cette émulsion de réflexion sociétale. Notre message est celui de l’inclusivité de plus de femmes et de plus de diversité dans le paysage audiovisuel. La jeune génération veut aujourd’hui plus de contenus avec des personnages féminins forts. Notre association est mixte mais elle adapte la mixité en fonction des projets et actions. On ne veut renoncer à aucune façon de faire. Au-delà d’un rassemblement sur la notion de genre et la place de la femme, nous fonctionnons comme une cellule d’expérimentation et surtout d’application de grands principes comme la pédagogie active, le matriarcat, la collaboration collective participative, l’entraide, la non compétition. Parmi les valeurs principales de l’association, il y a l’interchangeabilité, l’échange des rôles, le « dialogue de confiance où l’on se donne le droit à l’erreur ». Nous pratiquons assez naturellement le franc-parler. « Nous sommes aujourd’hui 6 nanas toutes en « success story » et on est fières de nos petites victoires, car on n’est pas filles de… ». C’est cette transparence qui a permis d’avoir une bienveillance sur nos possibilités, nos capacités, avec un espace de travail commun où il est possible d’avoir ce type d’échanges. 

Un tournage exclusivement queer et féminin : l’expérience du tournage de Garçonne 

Cloé Coutel, à l’instar de la matière féministe du cinéma de Chantal Akerman, a voulu une équipe entièrement queer et féminine pour le tournage de son film Garçonne. Tourner en mixité choisie, a été une véritable expérience sociale et révélatrice. Le premier aspect a été la difficulté de trouver des techniciennes en région et mis l’accent sur la pénurie de femmes dans le métier. Un autre aspect et non des moindres a été que nous nous sommes senties à l’aise de travailler sans l’ombre des regards masculins. Ce type d’expérimentation ne va pas à l’encontre du « masculin » mais permet de pratiquer d’autres modes de fonctionnement que ceux patriarcaux, comme la mise en concurrence par exemple et d’initier des façons de travailler avec des valeurs féministes comme la bienveillance, le bien être au travail, être « safe » et surtout s’autoriser à exprimer ses émotions. Tout cela va bien plus loin que la question de la mixité.

Quelles actions mettez-vous en place ? 

Nous créons des événements informels de networking comme les « mercredis en feu », des temps de rencontres où l’on peut parler de soi et parler de réseau, des temps d’émulsion pour aider les autrices à passer à d’autres étapes de leurs projets. 

Nous organisons également des ateliers d’écriture pour donner des pistes et aider les projets à voir le jour, et nous produisons des courts métrages mais dans une moindre mesure car cela demande beaucoup de temps.

Des projets à venir ? 

Nous avons été contactées par la grande distribution, Wild Bunch, pour organiser des ciné débats autour de leurs films et nous souhaitons développer l’éducation aux images avec des ateliers vidéo sur l’écriture d’un personnage féminin ou trans, ou comment on donne confiance aux filles. Nous finissons la post prod des films en cours et nous aimerions refaire un nouvelle production.

 

Crédits photos © Claire Fassulo, Chloé Arroyo et Marilù Valencia