Acap – pôle régional image

Ma classe au cinéma

Les coulisses des dispositifs nationaux en région

La France bénéficie d’une forte politique d’éducation au cinéma et aux images en temps scolaire à travers trois dispositifs dont l’objectif est de faciliter l’accès du plus grand nombre d’élèves à la culture cinématographique. Ils touchent chaque année plus de 125 000 jeunes en Hauts-de-France. Mais qui se cachent derrière ces programmes ? Comment cela s’organise-t-il au niveau local ?

La mise en œuvre de ces dispositifs repose sur un fort partenariat entre les salles de cinéma, les représentants de l’Éducation nationale, les collectivités territoriales, les DRAC et le CNC. En Hauts-de-France, ils s’appuient sur le travail d’environ 5 000 enseignants, une centaine de salles de cinéma dans près de 500 communes et plus d’une dizaine de coordinations. Véritable clés de voûte des opérations d’éducation au cinéma, l’organisation territoriale est animée par des coordinateurs départementaux ou régionaux. Mais c’est quoi un coordinateur ? Que font-ils ? Comment voient-ils les dispositifs ? Fonctionnant en binôme, nous sommes allés à la rencontre de certains d’entre eux. 

Les entretiens ont été recueillis par Dorien Heyn Papousek. 

Oise – École et cinéma
Eloïse Calvar, chargée
de médiation culturelle du cinéma et des dispositifs scolaires – Cinéma Agnès Varda – ASCA à Beauvais
Pascal Deboffle, coordonateur départemental à l’action culturelle et conseiller pédagogique départemental arts et culture – DSDEN Oise
 

Pas-de-Calais – Collège au cinéma
Alexandre Corvaisier, chargé des dispositifs scolaires – De la suite aux images à Lille

Alexandre Dupretz, responsable programmation au Cinéma Les étoiles à Bruay-la-Buissière

Bastien Guilotte, professeur de lettres, Collège Anatole France à Nœux-les-Mines

Ça veut dire quoi être coordinateur d’un dispositif scolaire ?

Alexandre Corvaisier + Eloïse Calvar : Être coordinateur, c’est être au milieu des acteurs qui composent le dispositif, faire le va-et-vient en permanence entre distributeur, salle de cinéma, corps enseignant et institution partenaire, pour que les films, les intervenants et les élèves se retrouvent en temps et en heure !

Alexandre Dupretz : On est un binôme assez original sur le Pas-de-Calais et nous avons trouvé une complémentarité même si la force motrice se trouve clairement chez Alexandre C. avec la veille, le travail de rétro planning, la synthèse… C’est lui qui déroule le fil rouge tout au long de l’année. La particularité à mon niveau, c’est la valeur ajoutée qu’un cinéma comme le mien peut offrir au tandem de la coordination avec une base matérielle, un endroit où on peut se retrouver, se rassembler, se réunir durant des temps forts, mais aussi d’expérimenter des outils, des ateliers…

Pascal Deboffle : Pour moi les écoles ne sont pas des partenaires, je travaille pour l’éducation nationale. Ce qui est un atout c’est que j’étais moi-même enseignant, conseil pédagogique de circonscription, cela m’aide beaucoup. Ce dont j’ai besoin dans le cadre de cette coordination, c’est de prendre en compte la réalité du monde de la culture et du cinéma en particulier. J’ai une connaissance beaucoup plus fine de la réalité du travail des partenaires pour pouvoir orienter des enseignants. Je suis « Mr partenariat », mais quand je dis partenariat c’est vers le monde culturel.  

Quels enjeux pour les jeunes ?

AD : Au risque de dire des choses un peu « bateau », voir des films au cinéma est important. La salle obscure, le grand écran permettent de ressentir fortement les émotions et de vivre une expérience collective. A fortiori avec le dispositif, les élèves vont dans une salle, qui est un cinéma de proximité, qui travaille étroitement avec les équipes pédagogiques qui vivent et partagent le même territoire. 

AC : Beaucoup d’enseignants nous disent que les trois séances du dispositif de l’année sont parfois les seules séances pour certains enfants au cinéma. On montre des films aux élèves, qui ne saisissent probablement pas tous les enjeux de l’œuvre, mais le film vu dans cette salle, là avec sa copine, son pote, va laisser une trace. C’est une expérience inclusive partagée.

EC + Bastien Guilotte : Ce qui est important dans les dispositifs, c’est de découvrir des œuvres d’Art et Essai, qui proposent une variété de genres, d’époques, d’esthétiques et de cultures qu’ils n’auraient peut-être pas découvert par eux-mêmes. Les films permettent aussi de parler de sujets parfois difficiles à aborder.

Le choix des films ?

AD + AC : La programmation se décide en comité de programmation avec les partenaires institutionnels, les salles, les enseignants. Les coordinateurs choisissent une quinzaine de films du catalogue CNC national, que les membres du comité ont la possibilité de visionner avant de se réunir. La difficulté est de trouver un équilibre entre des films de répertoire, d’animation, de prise vue réelle. Ce n’est jamais simple, il y a débat, et la question qui revient souvent c’est : qu’est ce qu’on peut montrer aux élèves ? Quelle esthétique ? Quel contenu ? C’est passionnant de participer à ce processus.

BG : Ce sont des films d’auteurs. C’est important que les jeunes comprennent qu’un réalisateur a un parti pris sur un sujet. Ce n’est jamais gratuit, ils nous disent des choses d’une certaine façon, nous voulons que leurs voix deviennent audibles auprès des élèves.

EC : Pour la sélection, il y a parfois des petites pépites que nous voulons faire découvrir aux élèves, parfois aussi des thèmes abordés qui peuvent être une raison de sélection…

Quelle progression dans la diffusion des films dans l’année ? 

Tous : Nous attaquons la programmation avec un film qui est de prime abord “simple”, ce qui est parfois complètement trompeur. Ce sont souvent les films qui demandent une préparation plus forte, qui sont un peu plus ardus, qui sont programmés dans le deuxième trimestre.

PD + EC : Dans l’Oise, a été instaurée la programmation d’un film inter-degré entre École et cinéma et Collège au cinéma et c’est ce film qui est toujours programmé au deuxième trimestre pour permettre de créer une passerelle entre les élèves et les établissements. 

BG : J’aime bien qu’il y ait un film qui soit là pour les étonner, un peu coup de poing… Cela rythme les trois sorties. 

Existe-t-il des prolongements au-delà des films ? 

Tous : Une belle initiative mutualisée dans la région Hauts-de-France sont les pastilles d’avant-programme conçus pour donner des clés de compréhension du film tout en transmettant une énergie dans laquelle le jeune spectateur doit être emmené pour regarder le film qui suit. 

AD + AC : Dans le Pas-de-Calais, nous sommes convaincus qu’il est nécessaire d’accompagner la projection par de la pratique, pour comprendre ce qu’est le cinéma. Cela se concrétise par des ateliers après chaque projection directement sur place. Pour aller encore plus loin, il est proposé aux classes volontaires de vivre un temps festivalier à l’Arras film festival ou Cinémondes de Berck.

PD + EC : Nous avons voulu accompagner le processus annuel de participation au dispositif par un bel objet matériel qu’est le Carnet de cinéma, adapté à l’âge de l’enfant avec des propositions d’activités à faire en classe ou à la maison. Il permet un lien entre salle de cinéma, l’établissement scolaire, l’élève et la famille.

Quelles sont les perspectives pour le dispositif ? 

Tous : Faire participer plus de jeunes, associer plus de salles de cinéma pour créer une répartition territoriale équitable, en gardant, bien sûr, des propositions très qualifiées pour tous.

100% d’éducation artistique et cultuelle, c’est envisageable avec un dispositif aussi structuré et équilibré !

Ressources
En Hauts-de-France 
Pour aller plus loin

Le fil des images – la publication des pôles régionaux d’éducation et de formation aux images

Étude Les jeunes, les images, les écrans – le lien à la salle de cinéma des jeunes p.22-23 – les jeunes voient-ils des films avec leur établissements scolaire ? p.23