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Définir la transition écologique comme le principal défi de l’exploitation cinématographique

« A travers le Plan Action !, le CNC poursuit deux objectifs : accompagner la filière […] et en faire un moteur de la transformation écologique et énergétique de notre pays » indiquait son Président, Dominique Boutonnat, en juin 2021. Deux ans plus tard, où en nous sommes-nous de la transition écologique dans nos salles de cinéma ?

Un contexte d’urgence

En 2018, l’empreinte carbone de l’audiovisuel français était de 1,7 million de tonnes d’équivalent CO2 (tCO2eq), hors fabrication des équipements, soit l’empreinte carbone de la ville de Reims (12ème ville française). Si le secteur de la production audiovisuelle est actif sur le sujet avec le développement d’outils de mesure, l’exploitation ne s’en saisit pas encore pleinement. Le rapport du Shift Project estime à 1,07 million tCO2eq par an les émissions de l’exploitation, soit une moyenne de 524 tCO2e par cinéma (mobilité des spectateurs & équipements inclus). L’exploitation a donc sa part de responsabilité dans l’impact des activités culturelles sur le climat.

La priorité : réduire la consommation d’énergies fossiles

Si l’on réduit parfois l’écologie à trier ses déchets ou à éteindre une enseigne de cinéma une heure plus tôt, le principal progrès doit s’orienter vers le sujet de la mobilité. En effet, toujours d’après le rapport du Shift Project Décarbonons la culture !, 88,4% de l’impact carbone des salles de cinéma est lié aux déplacements. Cela comprend les déplacements des spectateurs, du personnel des cinémas, mais aussi des prestataires externes (livraisons de confiseries, de matériel, coursiers…).

La fréquentation du public au cœur de la transition écologique

Au quotidien, la fréquentation est le thermomètre de la santé d’un cinéma. Étroitement liée à la mobilité, elle va indéniablement baisser dans certains territoires si des solutions alternatives à la voiture individuelle thermique ne sont pas disponibles, étant donné la vraisemblable augmentation des prix du carburant liée à l’épuisement des ressources en pétrole. Tout porte à croire que les territoires ruraux seront les premiers impactés, ce qui accentuera la disparité entre les salles et leur programmation qui en découle. La fréquentation des cinémas est alors une cause importante de l’empreinte carbone de l’exploitation, mais aussi une potentielle victime des changements à venir. Si les enjeux de mobilité dépassent largement le périmètre de l’exploitation, les cinémas peuvent agir à leur échelle pour limiter l’impact du secteur sur le réchauffement climatique.

L’importance de mesurer son empreinte carbone

Le principal frein à un fonctionnement plus vertueux est un manque de données et d’outils pour mesurer l’empreinte carbone des cinémas. Profitons du contexte de crise énergétique pour étudier les factures d’électricité et la consommation des équipements et ainsi tendre vers une sobriété maîtrisée plutôt que subie. Cette hausse des prix énergétiques pousse à revoir structurellement le fonctionnement d’un cinéma, en adoptant des mesures telles que baisser la température du lieu, enlever les éclairages inutiles ou changer de puissance de compteur électrique (de nombreuses salles souscrivent à une puissance supérieure à leurs besoins réels). Les exploitants peuvent faire appel à des référentiels publics pour réaliser leurs mesures (comme La Base Empreinte de l’ADEME) permettant de tirer des conclusions et de se fixer des objectifs d’économie en conséquence.

La sobriété comme ligne de conduite

Ainsi, il est urgent de placer les enjeux climatiques au cœur du métier d’exploitant en adoptant une seule ligne de conduite prônée par tous les spécialistes : la sobriété.

Réduire à la source ses consommations, quelles qu’elles soient, permet à une salle de cinéma d’être plus indépendante et d’être moins impactée par les différentes crises qui font malheureusement partie de notre monde. Anne Faucon, exploitante du nouvel éco-cinéma Utopia à Pont-Sainte-Marie explique dans l’émission BoxOffice du 1er décembre 2022 que les panneaux solaires sur le toit du cinéma permettent de produire plus d’électricité que la consommation du cinéma et que les toilettes sèches sans chasse d’eau limitent la diffusion des microparticules dans l’air et des virus. L’exemple de ce cinéma innovant laisse penser que la sobriété est une clé pour faire face à une nouvelle crise énergétique ou sanitaire.

Enfin, l’investissement dans l’isolation des bâtiments permet de fortes réductions de consommation énergétique tout en anticipant de futurs décrets qui tendront vers un renforcement des normes, à l’image du décret tertiaire pour les bâtiments de plus de 1 000 mètres carrés. L’Utopia est, là aussi, un modèle inspirant avec son isolation efficace à partir de blocs de paille. On peut également citer le Loft de Châtellerault ou encore le Ciné Manivel de Redon parmi les plus exemplaires en la matière.

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